Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’ailleurs – Thierry Sinda | Une critique de Michèle Boin
Selon les termes de Thierry Sinda, cette anthologie est celle des neuf années d’un festival poétique qui a sa place au sein à la fois de la littérature francophone et du mouvement de la négritude.
Ce volume rassemble en effet un choix de poèmes sur le thème de l’amour parmi les œuvres, éditées ou inédites, qui ont été présentées à l’occasion du festival nommé le “Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs”, qui célèbre en 2013 ses dix années d’existence. L’année 2013 est aussi celle du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire et de Jacques Rabémananjara, figures phares dans le mouvement littéraire de la négritude.
Dans la lignée de l’héritage de la négritude, le compilateur de cette anthologie entend aborder le mouvement poétique de ce qu’il appelle la “néo-négritude parisienne”. Par ce terme, il prend en compte le contexte de la marche silencieuse des Antillais pour la commémoration du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage en 1998, l’ascension du candidat Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française de 2002, et la première édition du “Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs” à Paris en 2004.
Cependant, à l’époque actuelle, l’Afrique est selon lui impropre à engendrer aujourd’hui une “néo-négritude”, et c’est pourquoi la “revalorisation de l’homme noir et de sa culture”, amorcée par le mouvement de la négritude, et la “revitalisation du monde noir dans les lettres françaises à une époque post- ou néo-coloniale” s’ancrent pour lui à Paris.
Thierry Sinda dans son introduction intitulée “Tels Phénix et Éros noirs dans une nuit blanche” se présente donc en “Socrate noir”pour “permettre aux auteurs néo-nègres de faire une descente orphique au plus profond d’eux-mêmes afin d’accoucher de poèmes mettant en avant la spécificité de l’expression amoureuse néo-nègre”, comme une des manifestations de “l’Être nègre dans un monde Blanc”. Ce qui lui permet d’employer les termes de “nègre” et d’”auteurs néo-nègres” (et non pas “africains”).
Mais, insiste-t-il, “ces poèmes, tout en revêtant à la fois un caractère individuel et collectif, ne relèvent en rien de l’esprit communautaire. Le mouvement de la néo-négritude inclut les textes des poètes de tous les horizons géographiques afin de s’inscrire dans le dialogue des cultures, lequel est source majeure d’enrichissement sociétal et de paix mondiale”.
Les pays et régions du monde dont la littérature francophone est ici représentée par des poèmes sélectionnés sont les suivants : Algérie, Barbade, Bénin, Cameroun, Comores, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, France, Guadeloupe, Guinée, Guyane, Haïti, Inde, Italie, Madagascar, Maroc, Martinique, Pérou, Portugal, République démocratique du Congo, Sénégal, Tunisie, Vietnam, certains auteurs appartenant à deux pays ou régions à la fois.
Des chapitres préliminaires sont consacrés à la biographie et à la description de la carrière politique et littéraire de Jacques Rabémananjara (Madagascar, 23 juin 1913 – 2 avril 2005), ainsi que de Martial Sinda (Congo-Brazzaville, né le 2 avril 1935), les parrains du festival.
Pour ce qui est du corps de l’ouvrage, chaque rubrique consacrée à un poète comporte, outre le texte de poèmes, une note biographique et bibliographique – et parfois discographique.
Le livre comprend des poèmes de personnalités connues comme Léopold Sédar Senghor, René Maran, Aimé Césaire, ou Léon-Gontran Damas, mais aussi de nombreux autres auteurs qui contribuent à la vie de la francophonie. Nombre d’auteurs sont des amateurs poètes (parfois prolifiques) qui ont été frappés par l’inspiration alors qu’ils exercent ou exerçaient par ailleurs une profession non liée à la littérature.
Replacé dans le contexte de l’évolution de l’histoire politique et littéraire de la francophonie issue des liens entre la France et ses ex-colonies, ce vaste éventail fait découvrir la variété dans le style et la forme de poèmes se nourrissant d’un même thème, celui de l’amour.
Un autre élément contribue à la richesse de ce volume : celui des nombreuses illustrations, dessins, reproductions de lettres manuscrites, d’œuvres picturales, de couvertures de livres, photos, articles de journaux, de documents tels que des programmes de spectacles, etc. L’image rendue du terreau créatif de la manifestation du “Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs” n’en devient que plus concrète.
Ce critique est publié dans: Africa Book Link, Winter 2015-2016